interview R&C 47 – Mars 2001

  Michael Northam Interview
Remerciements : Frederic Claisse, Pascal Boué, Patrick Delges, Eric La Casa, Tereza Topferova, Josh Ronsen.
[ english ]

Introduction

mnortham, c’est bien sûr Michael Northam, musicien américain qu’on connaissait pour son travail ” en collaboration ” avec son comparse John Grzinich, en formation plus large au sein de ERG (qui inclut également Josh Ronsen et Seth Nehil), ou avec ORA (le projet formé autour de Andrew Chalk et de Darren Tate). Jusqu’à la récente sortie, sous son nom, de deux disques diamétralement opposés qui tous deux prennent le vent pour objet et terrain d’investigation : ” Breathing Towers ” (un mini-CD sur Dorobo) – la capture du vent s’engouffrant par la base de deux tours creuses en acier, au Texas, et qui tient presque du ” ready-made ” -, et le très étrange ” :coyot: ” (CD sur erewhon), qui se veut la réélaboration poétique d’un souvenir, la trace mnésique, décantée par l’expérience, d’une installation de harpes éoliennes sur un bunker de l’ïle de Suomenlinna, dans le Golfe de Finlande. Deux jalons qui témoignent de la maturation de l’itinéraire de ce jeune compositeur atypique, qui de ses terres d’origine poursuit la tradition pragmatique et empiriste, et de ses multiples séjours en Europe réinvente le souci des enjeux notionnels et compositionnels. A l’écart de l’objectivisme théoricien comme du subjectivisme égotiste, mnortham propose une musique de l’en-deça, sous-tendue par une authentique humilité et une soumission totale à son matériau, et de l’en-dedans – préférant à toute application d’un univers prédéfini de représentations ou de catégories, l’implication de l’auditeur dans les processus et les situations-expériences qu’il agence. ” Musique moléculaire ” dit-il, celle du pli et de la strate – chaque couche enroulée sur elle-même déploie la composition en permettant à l’auditeur d’y trouver des prises ou des points d’insertion. Musique fragile, qui ne cesse de s’émerveiller devant la complexité et la richesse du sonore, et se veut une réhabilitation de l’expérience et de la perception comme catégories légitimes de la création musicale. Un univers nourri de fascination pour les cosmologies non occidentales, les espaces mythiques et symboliques comme véhicules de la sensation, la complexité et l’indétermination. Difficile à première vue d’imposer un effort de clarification à un tel empiriste – cet effort, nous l’avons entrepris en face-à-face, et poursuivi à distance – couche par couche, pli selon pli…

1.)
F : Je voudrais que tu me parles d’abord un peu de toi et de ton histoire. D’où viens-tu, qu’est-ce qui t’a amené à la musique ?

MN : Je suis né le 9 octobre 1970 à Murry dans l’Utah, dans la périphérie de Salt Lake City, près des montagnes. Ma famille était originaire de l’Indiana ; mon père était dans le milieu des courses automobiles et travaillait alors momentanément dans l’Utah. Deux ans plus tard, nous sommes revenus dans l’Indiana, qui est par contraste un endroit assez plat, et le premier souvenir de cette démarcation géographique est resté très important pour moi : je me rappelais la forme de montagnes dans un endroit qui n’en comportait pas. J’ai grandi dans ce milieu des courses, avec mon père et ses télécommandes qui faisait voler des avions et des hélicoptères. Je suppose que j’étais depuis le début un peu excentrique dans une famille excentrique. Mais il n’y avait rien de spécifiquement ‘musical’ dans ma famille. Et je ne pensais pas alors non plus au son pour le son, si ce n’est lors de quelques soirées un peu surréalistes, où je roulais à travers le pays en écoutant de la musique swing, ou encore quand j’écoutais les exercices de chants que ma mère faisait de temps à autre.
Pourtant, j’ai fini par développer une étrange fascination pour des environnements un peu obscurs, pour des éléments d’une situation – le son, la température, la perspective, les qualités de lumière et d’atmosphère – qui sont liés à l’expérience que l’on peut en faire. La cave de la maison de mon enfance devint pour moi comme un laboratoire, en partie à cause des expériences qu’y faisait mon père avec ces outils, ces machines et ces mécanismes de télécommandes, mais aussi pour les transformations que je réalisais moi-même sur toutes sortes d’objets et des matériaux abandonnés. Je me souviens m’être fait offrir un enregistreur de cassettes, et d’avoir fait assez tôt quelques expériences. Très jeune, je me rappelle avoir pensé à la manière dont quelqu’un s’y prendrait pour partager l’expérience qu’il aurait d’un environnement, ou d’une perception semi-éveillée de la réalité ; j’ai essayé d’exprimer cette idée, mais sans réussir à me faire comprendre. Ces associations très importantes avec toutes ces ‘situations-expériences’ (experiential locations) doivent être liées à l’effet que peut avoir le fait de voyager et de rouler pendant des journées entières, ce qu’il nous arrivait de faire avec notre famille. Comme ces périodes, particulièrement importantes, où nous traversions les vastes paysages déserts du continent Nord-Américain. Ces immenses vues, dont je me souvenais souvent dans les rêves que je faisais alors, ces étendues ondulantes au crépuscule ont semé des graines dans mon esprit qui, plus tard, se sont développées pour former une forme de compréhension qui s’est développée d’abord à travers de l’art visuel, puis lentement à travers des expérimentations qui m’ont mené de la peinture à la sculpture, puis à l’art video via des essais de performances actionnistes. Tout au long de ce processus d’exploration, j’ai eu un intérêt récurrent pour le son en tant que point central de transmission de ces environnements internes, capable de rendre cohérente une expérience de ces endroits mystérieux que j’avais en imagination et qui m’attiraient tant.
Ainsi, sans aucune connaissance du monde de l’art, en venant de nulle part, sans expérience musicale, j’ai fait l’approche du son plutôt comme d’une extension de cette manifestation intuitive que comme moyen d’expression musical. J’ai commencé sans équipement ; j’étais poussé vers cette forme d’expression sans la moindre idée de comment ni par où commencer. En travaillant d’abord à l’Indiana University j’ai créé des bandes-son pour mes projets d’art vidéo, et suis devenu plus au courant de l’existence d’autres artistes utilisant le son. Ensuite, après avoir déménagé pour Austin, Texas et m’être présenté aux personnes du magazine ND, j’ai commencé à voir cet intérêt pour le son se manifester plus clairement, et à trouver aussi des ouvertures sur une communauté d’artistes plus large, internationale. Mes premiers enregistrements à cette époque ont été réalisés avec des moyens extrêmement simples, par exemple avec une prise de courant mise directement en contact avec une surface métallique rouillée, pour obtenir des motifs de craquements électriques. Mais ce n’est pas avant d’avoir voyagé et un peu vécu en Europe en 1991-92 que j’ai commencé à compléter mes idées. Cette année fut, je pense, une sorte d’initiation, dans le sens où j’ai travaillé et parlé avec beaucoup d’artistes qui m’ont inspiré et ont nourri en moi un processus de germination qui m’a poussé à concrétiser des travaux. Cette initiation a culminé dans la célébration de ‘An Opening of the Earth’ un projet avec Martin Franklin [de TUU], et de ‘Ground’, une série d’enregistrements réalisés dans les studios de différentes personnes en Europe. Depuis lors, j’ai circulé entre l’Europe, Austin et la côte Nord-Ouest du Pacifique, toujours mûrissant lentement mes intentions. Au cours des 10 dernières années, j’ai laissé venir les projets comme ils venaient, en restant sensible à un itinéraire plus long que je sens avoir emprunté.

2.)
F : Quelle a été la première expérience musicale ou sonore qui évoluerait plus tard vers ce que tu fais pour le moment ? Quel pourrait être un événement déclencheur dont tu te souviendrais ?

MN : Il y a un certain nombre de choses différentes. Là où j’ai grandi à Indianapolis, il y avait un train dans l’arrière-cour. Ce train provoquait des vibrations symathiques à travers toute la maison. Je me suis mis en quête de la source d’un phénomène de léger bourdonnement. J’ai fini par trouver qu’il émanait de verres de vin mis en vibration dans le dressoir de ma mère ; j’étais ébahi parce que le phénomène sonore durait parfois pendant presque une heure après le passage du train. Cette curiosité scientifique toute enfantine est devenue un peu une méditation qui a agi comme processus de germination, en attirant mon attention vers des résonances prolongées que je découvrais dans des conditions uniques, dans des environnements particuliers. Et aussi, je me souviens de fortes associations avec des orages électriques – je me tenais dehors, et j’essayais de diriger l’éclair, comme si je composais avec les bruits du vent et des éclairs. Cette expérience directe du son à l’intérieur de paysages ont suscité en moi une myriade d’associations mythologiques. C’est ainsi que très jeune, des phénomènes météorologiques, géographiques et une variété d’autres phénomènes physiques me sont apparus intuitivement comme autant de sources importantes d’inspiration. Mais à cette époque je n’ai jamais associé ces inspirations avec la musique ou la création artistique.

3.)
F : Ah non ?

MN : Je reliais ces événements simplement à des expériences brutes, mêlées à une prise de conscience croissante de ma propre existence. Une expérience de perception directe de ce qui se trouve devant nos yeux au quotidien.

4.)
F : L’expérience de la perception est bien alors, je pense, un problème principal dans ton œuvre telle que je la comprends.

MN : Peut-être que j’essaie d’approcher une perception de la réalité, de ce qui se produit au niveau toujours plus profond des détails qui environnent un individu à tout moment de sa vie. De la manière dont je le vois, généralement les gens sont plutôt à l’écart de ce qui se produit en eux et autour d’eux. Nous avons tendance à rester des consciences plutôt isolées. Des consciences qui se focalisent de plus en plus sur des problèmes immédiatement personnels, et nous ne voyons pas, souvent nous avons peur de voir nos réalités personnelles déchirées pour dévoiler une réalité nue et fondamentale dans laquelle nous sommes pourtant immergés. Peut-être que cet intérêt précoce pour des environnements qui nous entourent directement et dont nous avons tous une expérience m’ont incité à penser à ces questions. En essayant naïvement de considérer ces environnements comme des expériences, j’ai découvert que j’adopterais une perspective non-personnelle, comme saisie à partir de quelque coin reculé d’une architecture, comme une particule de poussière flottant dans un rayon de soleil, ou comme à l’intérieur d’une fente dans le bois, à suivre les paysages d’un monde minuscule. Juste l’idée de se placer loin d’une perspective personnelle, à l’intérieur de quelque chose d’extrêmement petit, quelque chose de distant, quelque chose d’abandonné, ignoré de l’humanité. Et c’est devenu un exercice presque involontaire qui a développé ma sensibilité à l’importance du fait d’explorer la perception, et donc aura constitué un commencement essentiel de mon travail avec le son. Non pas d’une perspective théorique ou ‘compositionnelle’, plus simplement une étincelle intuitive qui produit généralement quelque chose d’intéressant, souvent même surprenant.

5.)
F : Donc si je te suis l’intuition aurait plus d’importance que, disons, les idées ou la théorie à propos de la composition ?

MN : Je suis plutôt embarrassé par les notions d’idées théoriques en matière de composition. Elles ressemblent à une forme de quasi-science, quelque chose comme un déterminisme esthétique.
Il me semble que certains compositeurs insinuent qu’il y aurait une hiérarchie de perspectives à partir desquelles commencer à créer ou à juger la musique. Ces approches me semblent venir d’un désir de se protéger de l’échec, ou d’un désir de se placer ” au-dessus ” des autres. Mais en réalité, être ouvert à la possibilité de ” danser avec l’échec ” avec humilité est une approche à part entière de n’importe quel processus de création. J’aime travailler avec une perspective ” naïve “, parce que je trouve que la vie est une expérience mystérieuse en constant déploiement. Si je devais mettre une identité ” théorique ” sur mon intention artistique, ce serait juste pour permettre à des potentialités, qui se sont accumulées à partir de ma vie et de mon ontologie, de se cristalliser à l’abri de toute influence de courants économiques et culturels. Les ‘styles de vie’ culturels et économiques dont on observe la tendance aujourd’hui semblent agir comme des amibes qui dévorent ce qui se trouve sur leur chemin. J’ai observé des personnes qui se laissaient doucement éteindre en creusant un large caniveau pour se permetter d’y circuler eux-mêmes à l’infini. Je me suis engagé à créer une vie et une œuvre qui croissent constamment et répondent directement à ma façon de faire l’expérience de la réalité. Expérimenter et découvrir des choses d’une manière ouverte, peut-être même enfantine.

6.)
F : Dirais-tu que tu associes la théorie avec l’idée de se protéger soi-même, une sorte d’auto-protection à travers des questions théoriques ? Et d’éviter de s’exposer soi-même et éventuellement l’auditeur à quelque forme de risque ?

MN : Peut-être. Mais, pour être honnête, je ne comprends pas complètement l’idée de l’application d’une théorie à l’exploration du son comme moyen d’expression artistique.

7.)
F : Mais tu sembles quand même avoir quelques théories…

MN : Je n’ai que quelques notions tout simplement, et elles sont constamment dans un processus de mise à l’épreuve et de modification. A ma façon, j’ai développé quelques repères ou ‘balises’ conceptuelles. C’est comme une idée que je lancerais devant moi, comme une balise. Et à mesure que je progresse vers un semblant de concrétisation de cette idée, j’ajuste mon travail et le développe dans des directions parfois inattendues. Tu pourrais rapprocher ça de ” Stalker “, le film de Tarkowski, dans lequel le personnage principal lance une pierre devant lui à l’intéreur de ” La Zone “, et suit cette pierre. En s’en servant comme d’un mécanisme de navigation à travers un territoire incertain, qui semble changer dans le film à mesure que les personnages marchent vers la pierre. De façon similaire je trouve que mon concept de théorie change dans mon univers, à mesure que je lance ces balises conceptuelles et me dirige vers elles.

8.)
F : Et que seraient ces balises théoriques ?

MN : Elles peuvent figurer un certain nombre d’aspects de mon travail : méthodes de traitement du son, limitations technologiques, limitation à des matériaux-sources particuliers, ou même simplement le nom d’une pièce en particulier. Par exemple, ces derniers temps j’ai lancé à gauche et à droite l’idée d’une ” musique moléculaire “. Elle représente le concept qu’il y a derrière ma pratique de superposition massive de matériaux sonores qui crée une métaphore sonique de structure moléculaire et de mouvement, spécialement dans les organismes vivants. Avec cette ‘balise’ en tête je travaille sur un son particulier. En faisant attention aux dynamiques internes de formation et aux contenus des fréquences/patterns, je considère alors cette forme dans la perspective de son contenu brut, indépendamment de son origine ou de sa représentation, simplement comme un objet sonore. Ensuite, à travers un processus plutôt alambiqué d’essais et d’erreurs, j’entrelace les fils de ces matériaux singuliers dans des composants plus larges de composition. J’observe le développement de l’œuvre sonore, en restant sensible aux dynamiques morphologiques, et je suis satisfait quand je trouve des passages qui se déploient comme un organisme. Pour moi, c’est une opération qui teste ma capacité à travailler avec des niveaux profonds de conscience intuitive du matériau, à chercher si oui ou non la pièce se déroule d’une façon qui rende justice à l’intention que je trouve à l’intérieur des sons. Tout aussi bien, j’observe comment mon attention se déploie alors que se déploie la pièce, ou à l’inverse comment ma perception s’enroule dans les replis de la composition. Comme je n’ai jamais été intéressé par la consommation intellectuelle de la musique, je place le sentiment intuitif d’un morceau de musique au-dessus des constructions hyper-intellectuelles – dans la mesure où celles-ci sont des constructions de l’ego et des jouets intellectuels. Il est important pour moi que ma musique réalise la trame d’un voyage d’expériences perceptives au moment même où vous êtes à l’écoute.
Bien sûr cette approche change. Je n’ai pas l’impression de pouvoir planifier ou prédire ce qui va se passer en fin de compte. Généralement c’est le matériau lui-même qui me dit quoi faire avec lui. Et à mesure que je travaille avec le matériau, il a tendance à évoluer. Comme une plante, comme du lierre, parfois je ne peux pas dire quelles formes apparaîtront avant que je ne commence. C’est souvent un mystère pour moi. Parfois ça peut être frustrant, mais rien ne peut être garanti dans cette vie. Je ne peux pas travailler à des pièces et avoir fini dans des délais définis. Il m’est extrêmement difficile de travailler de cette façon, puisque j’apprends de nouvelles choses à propos de ce que je fais à mesure que je les fais. Ce qui est, je pense, ce que font la majorité des gens qui travaillent avec le son. Il semble qu’il y ait beaucoup de langage hyperbolique qui sert à chacun à affirmer ses prétentions personnelles sur son travail. Mais malgré tout, si les choix intimes pouvaient être révélés, on s’apercevrait que beaucoup de personnes ont recours à l’intuition, et se reposent sur l’incertitude même s’ils croient que tout est sous leur contrôle. Quand on est seul dans un studio, au milieu d’un espace toujours plus grand de possibilités, on se sent toujours plus en sécurité en adhérant à un plan limité et préétabli, mais il y a toujours quelque chose qui à n’importe quel moment altérera les intentions. Rétrospectivement peut-être, on recueille ce qui s’est passé et on crée une raison qui le justifie, mais il est clair que l’intention de la personne aura suivi un chemin semé d’incertitudes. J’admets facilement que j’emprunte un chemin fait de nombreuses bifurcations, en me mettant au défi de changer d’approche, et c’est ce qui s’est révélé, pour moi, un fascinant itinéraire de découverte.

9.)
F : Dis-m’en plus à propos de ton idée ou ” balise ” de ” musique moléculaire “, en te référant plus particulièrement aux techniques de traitements et de stratifications sonores dont tu te sers ?

MN : Depuis 1998, j’ai lu des morceaux et des fragments de Rupert Sheldrake, et j’ai été impressionné par un passage qui décrivait le processus d’enroulement complexe de molécules de protéines. Il appliquait son concept de Champs Morphologiques aux modèles que prennent ces molécules, même après avoir été chimiquement ” aplaties “. Ces molécules tendant à se réenrouler selon le même modèle alors qu’il y en a des millions d’autres possibles. J’ai alors été curieux de faire l’expérience de méthodes de composition et de traitements qui pourraient ‘informer’ des éléments sonores doté de dynamiques internes qui constitueraient un parallèle poétique avec le mouvement, dans des systèmes plus grands tels que les cellules, de ces molécules enroulées et enchâssées.
Je suis venu indirectement à cette idée avec le projet ” :coyot: “, mais j’ai été plus loin dans cette direction spécifique d’une ” musique moléculaire ” en créant un morceau, ” Molecular Knot Phase I ” (sorti sur une compilation ” 9 to 5 “, sur le label Base Records, de Linz en Autriche). Ce morceau est basé sur un enregistrement acoustique avec Seth Nehil. On avait enregistré une session au cours de laquelle nous frappions de façon répétée un monocorde à 20 cordes ainsi que divers autres instruments à cordes, produisant de la sorte des motifs arythmiques. La pièce s’est construite en superposant et en déplaçant le même enregistrement sur lui-même jusqu’à former une masse sonore constante. Les couches individuelles ont été égalisées de différentes façons, ce qui a produit à l’intérieur de la masse sonore une fabrique de son incroyablement intriquée et entrelacée, laquelle finit par produire, je trouve, un sentiment de suspension du temps ainsi qu’une expérience d’enroulement intérieur quand on l’écoute profondément.
Par la suite une autre pièce intitulée ” From within the solar cave ” (qui doit sortir sur le label Absurd, à Athènes, Grèce), aura constitué une exploration plus poussée de cette méthode. Pour cette pièce je m’étais donné un challenge, en utilisant comme matériau de base des enregistrements réalisés par CO Caspar, John Grzinich et moi-même, enregistrements qui résultaient de manipulations d’objets métalliques et organiques avec des microcontacts, traitées électroniquement en direct. Ce matériau brut était extrêmement dissonnant, bruyant, avec des éléments discordants et des comportements erratiques. J’ai commencé par diviser la session d’origine en une série de fragments. Avec chaque segment j’ai commencé à décomposer et superposer le matériel de 128 à 512 fois, en ajustant individuellement chaque groupe de superpositions. Ce qui a fini par répandre dans le temps les sons de départ, en créant un matériau riche qui avait de nombreux éléments internes intriqués. Les fragments qui en ont résulté ont alors été arrangés, et les meilleurs mix sélectionnés. Le traitement a produit trois ” mouvements ” distincts qui ont été combinés avec des matériaux sonores complémentaires, et présentés sous une forme finale comme un voyage poétique en trois parties jusqu’au centre d’une cellule biologique mythique.
Ces résultats, obtenus en me dirigeant vers une de ces ” balises conceptuelles ” m’ont mené à des formes inattendues, qui sont comme un miroir poétique de masses denses d’interrelations en jeu à l’intérieur d’un organisme. Cette façon de combiner l’expansion de la dimension temporelle des pièces et de la profondeur de leur détails intimes, crée pour moi l’opportunité de faire l’expérience du son comme un portrait énergétique des dimensions microcosmiques. La masse de flux erratiques, qui opère dans un système organisationnel au-delà de notre capacité à les comprendre dans leur globalité, se reflète ainsi dans le travail sonore proprement dit.

10.)
F : Avec quels matériaux aimes-tu travailler ? Tu sembles être fasciné par les phénomènes météorologiques par exemple…

MN : Et bien, je vois ma recherche de matériaux sonores comme canalisée, parfois, par l’idée d’utiliser et d’explorer différents éléments symboliques – la terre, l’air, le feu (l’énergie ou l’électricité), l’eau. Mais généralement je prends simplement ce que j’ai sous la main avec l’idée de découvrir la complexité dans le matériau que je choisis d’enregistrer. En ce sens, je considère les phénomènes météorologiques comme un merveilleux exemple de système complexe qui nous entoure. Chaque fois que tu lève les yeux au ciel et que tu vois des nuages dans le ciel, tu te fais rappeler à quelle échelle massive se produit le mouvement au-dessus de toi, ou encore le flux continuel de particules autour de nous à tout moment, partout. Pour moi tout ceci est évident et m’a toujours puissamment incité à comprendre et à être en phase avec ces phénomènes. Pas nécessairement consciemment, mais il me semble que j’y reviens, parce que ça me rappelle toujours notre relativité et notre insignifiance. Même si beaucoup de gens y sont insensibles et ne voient dans ces formes que des systèmes élémentaires et sans intelligence. On a toujours le choix de se replier et de laisser ces habitudes dominantes troubler les détails de notre perception, ou de regarder de plus près dans ce monde ordinaire et de voir combien nous sommes peu à même de le comprendre.
Pour en revenir au son, par exemple, j’ai essayé de développer des systèmes plutôt simples à partir de moteurs et de câbles pour créer des nappes accidentelles d’harmoniques qui dériveraient constamment dans le temps, un peu comme pour ” Harvest of vectors ” [cf. photo], qui est une installation que j’ai réalisée à Austin, Texas en 1998 avec l’aide de John Grzinich et de Carmen Resendez. On avait créé un système de moteurs qui faisaient jouer de longues cordes de piano qui étaient liées entre elles. De sorte que tout changement influait sur la tension des cordes et créait des déplacements dynamiques de son dans la salle. Avec le temps, les harmoniques ainsi créées dérivaient elles aussi par elles-mêmes.
Le développement de ce type de systèmes est d’abord venu de la nécessité pratique, du fait de travailler seul. Je désirais un son produit par beaucoup de personnes qui joueraient beaucoup de choses en même temps. A cette époque je n’avais aucun matériel d’enregistrement multi-pistes. Le fait de réaliser des installations dans mon studio s’est développé à partir d’une méthode pragmatique pour enregistrer seul des sons acoustiques complexes et composé de plusieurs couches. Dans le même sens, j’ai très tôt entraîné mon oreille à rechercher des matériaux sonores aux propriétés acoustiques aussi complexes que possible. Tout en travaillant pour obtenir le plus de résultats avec l’équipement très simple dont je disposais à l’époque. [Maintenant que j’ai un meilleur équipement, ces exercices ont permis à mes compositions de se rassembler en y enchâssant des détails pour les interconnecter dans des processus qui traversent le contenu de mon travail]. Dans ma façon de travailler, je trouve que certains sons que je produis (en frappant, en ” jouant “, en tonnant violemment) sont des événements sonores trop représentatifs d’actions humaines directes et qui m’empêchent de me concentrer. Je suis particulièrement intéressé par la création d’une forme de musique qui aurait quelque chose de nouveau sans références distinctes – même pour moi en tant que créateur. Je m’y emploie en me servant de courants ou de flots de sons qui se chevauchent, s’entremêlent et se décomposent comme des produits chimiques. Par là même, je ne m’intéresse pas à la virtuosité ni à la représentation de choix humains dans une composition – ma tendance est plutôt de travailler non à partir de mes propres choix mais des choix que me révèle le matériau lui-même. Actuellement, au studio, je m’amuse à créer une large palette de matériaux, à partir de n’importe quel moyen pourvu qu’il me frappe, des enregistrements, des traitements, des matériaux bruts bien décomposés en couches, et récemment avec des harmoniques provenant d’appareils électriques et de ma propre voix. Je trouve que les sons peuvent être facilement mis sur écoute pour leurs qualités intéressantes, et en utilisant un mixage digital, il est possible d’aller en profondeur dans la trame subtile du son. Je dois dire que je trouve que c’est un mythe assez séduisant pour beaucoup de compositeurs de penser que les sources acoustiques seules sont d’une certaine façon supérieures à d’autres processus – mais le geste de capturer des sons avec un microphone, des sons inévitablement filtrés du fait même de les enregistrer, et de les présenter en les faisant passer par des moyens de diffusion incertains, cet acte constitue un processus incroyable d’altération. Indépendamment de la source, l’expérience qu’on fait de ce son se fait dans l’interface entre l’oreille et quelque haut-parleur, et c’est ce sur quoi j’essaie de me concentrer. Et c’est pourquoi je trouve plutôt excitant de découvrir la profondeur et la vie avec un panel inhabituel de sources.

11.)
F : Est-ce que tu dirais que ta musique se veut une simulation ou une émulation de systèmes complexes, ou d’une certaine idée de la complexité, comme les flux ou les turbulences ?

MN : Je dirais que c’est devenu un aspect fondamental de ma musique. Parce que ce qui m’intéresse, c’est de me rappeler qu’en tant qu’humains nous nous trouvons en permanence en plein milieu de systèmes complexes et hyper-violents. Généralement, nous en sommes protégés, isolés. Mais pour prendre un exemple simple, si tu regardes dans ta paume, et que tu considères la structure cellulaire qui constitue l’intérieur de ta main, tu te rends compte que c’est un système incroyablement complexe qui est en train de se produire simultanément à de nombreux niveaux d’organisation différents. En nous déplaçant entre différentes couches de perception, on se rend compte que notre corps, notre conscience, nos sensations font l’expérience de la réalité de différentes façons. Y compris au moment où nous parlons et à celui où le lecteur lit cet interview. Et donc c’est un exercice fascinant de se déplacer comme ça dans cette myriade de processus qui se déroulent en même temps. Mais sans effort de notre part notre esprit y remet de la cohérence, simplifie et crée des concepts stables à partir de ces incroyables flux dont est faite notre substance. C’est pourquoi je trouve qu’il est important de s’entraîner à être de plus en plus conscients au milieu de cet incroyable tourbillon d’énergie et de matériaux en interaction, et que cet exercice soit un moyen de liquider le noyau dur de notre égo. D’où, pour moi, ce jeu qui consiste à être à l’aise de me mouvoir ainsi à travers les différents plans de cet univers toujours en état d’ivresse, ce plaisir qui devient manifeste quand je crée ma musique. Je parviens à l’émulation de ces systèmes que je perçois, à la fois par le choix et la création de matériaux sonores primitifs, et à travers le processus de composition lui-même. Et donc, je crois que mon travail est le résultat du fait de créer dans un certain état de vigilance tout en étant emporté dans un flux momentané de la ” belle confusion ” [en français dans le texte] qui nous entoure.

12.)
F : Et comment penses-tu que ta musique réussit à imiter, à concurrencer ces systèmes ?

MN : Je sens que mon travail est un outil dont un auditeur actif peut se servir peut-être en tant qu’outil sonore pour la méditation. Ou, peut-être, comme j’y ai pensé, comme une sorte de ” compost sonore “. Un substrat nutritif, ou une source de matériau perceptif brut. J’ai reçu des commentaires d’amis qui sont peintres ou danseurs, qui m’ont dit avoir apprécié travailler avec ma musique comme véhicule. Particulièrement les danseurs, qui sont sensibles au déplacement à l’intérieur de modèles énergétiques, et font l’expérience de mon travail comme espace à l’intérieur duquel ils peuvent travailler avec leurs schémas corporels. Donc d’une certaine façon c’est une tentative pour créer un espace sonore qui peut peut-être entrer en résonance avec les incertitudes intérieures de l’auditeur ainsi qu’avec ses propres espaces intérieurs. Peut-être de centrer leur attention sur leur propre espace eidétique et sur leurs perceptions latentes.

13.)
F : Tu demandes beaucoup à ton auditeur il me semble !

MN : Je ne demande rien du tout en réalité !

14.)
F : Oui, mais tu es en train de dire que ta musique requiert une participation active de l’auditeur pour être tout à fait complète.

MN : Je ne dirais pas qu’elle ” requiert ” ce genre de choses. C’est simplement comme n’importe quoi dans ce monde, une personne peut utiliser certaines choses passivement, ou elle peut les utiliser activement.

15.)
F : Oui.

MN : Je ne demande rien à personne, mais si quelqu’un veut faire l’expérience active de quelque chose, pas seulement de ma musique, ça pourrait être la musique ou le travail artistique de n’importe qui, il me semble évident que plus il se permettra d’entrer profondément dans son écoute, dans son exploration d’une pièce avec différents environnements d’écoute, en se créant des espaces spéciaux pour l’écoute, ou des conditions spéciales, c’est sûr qu’il va en retirer plus de choses. Mais si une personne reste assise et écoute passivement quelque chose, il n’entendra de ce travail que l’aspect qui en est le plus petit commun dénominateur (quelque chose que la musique de ‘divertissement’ essaie de procurer). Alors sa perception le laissera passivement passer au-delà de ça, et il le considérera juste comme un bruit sans conséquence – ou même comme quelque chose d’irritant. Mais c’est quelque chose qui a plus à voir avec son propre état d’esprit et de conscience qu’avec ma musique ou la musique de n’importe qui. J’ai envie d’essayer de susciter des états qui soient réceptifs à tout ce qui fait l’attitude de la personne quand elle vient à cette musique. Ma musique semble refléter l’état d’esprit de la personne qui l’écoute. C’est une observation fascinante que j’ai faite ces dix dernières années à faire cette musique. Les gens y trouvent ce qu’ils veulent y trouver. Ca leur donne une chance de rentrer en eux ou de sortir d’eux-mêmes. Parfois les gens n’aiment pas ce genre de situation difficile.

16.)
F : Je voudrais glisser à ” :coyot: “, et te poser quelques questions sur ce projet. Quelle place occupe-t-il dans ton oeuvre ? Quelle est son importance, et où a-t-il pris sa source ?

MN : Et bien, ” :coyot: ” est basé sur une installation, ” Filtering the current “, que j’avais présenté en Finlande, en automne 98. Le projet eut lieu sur l’île de Suomenlinna, près de Helsinki. Mes enregistrements viennent de cette installation : des sons harmoniques riches et complexes provenant des harpes éoliennes qui étaient le trait principal de cette installation, plus d’autres sons venant de la côte, autour de l’île, et aussi de l’intérieur d’un gros canon qui produisait une très belle basse fréquence. J’avais récolté presque cinq heures d’enregistrements, de sorte que je savais que je voulais en faire quelque chose. Un an après l’installation, après m’être installé dans l’Oregon, j’ai finalement fait l’acquisition de tous les éléments d’un studio. Je voulais me plonger dans un nouveau projet solo, en me donnant une contrainte, à savoir de n’utiliser que des sons recueillis sur cette île. Quand j’ai commencé à travailler, je me suis rendu compte que je voulais développer une pièce qui serait un reflet poétique des dynamiques internes de systèmes météorologiques. Je me souvenais de mon expérience sur l’île, à écouter les motifs constants des sept harpes éoliennes que j’avais installées, l’expérience de m’apercevoir qu’il y avait une sorte de grand méta-motif derrière les fluctuations des harmoniques produits par les gigantesques tournoiements du vent qui venait comme un couperet du Golfe de Finlande. Je savais que je ne voulais pas de représentation directe ou référentielle de cette expérience météorologique, ni de cet endroit précis. Je voulais le pousser plus loin pour qu’elle devienne une pièce en évolution qui reflète quelque chose de plus proche de ce que je ressentais comme des dynamiques essentielles de turbulence. Ce qui ne veut pas dire quelque chose de plus pur, mais de plus essentiel d’un point de vue poétique. Pendant l’élaboration de cette pièce, je me suis iinspiré énormément de travaux de Roland Kayn, de comment ses pièces évoluent selon un modèle presque inconscient et naturel, comme le système d’une feuille, ou comme des motifs entre lesquels ton attention peut se déplacer. Ces modèles se déploient, à nouveau comme un organisme. De sorte qu’avec ” :coyot: ” j’ai voulu faire la connection entre ces phénomènes météorlogiques de vent prétendument inanimé, et un système vivant. Ca, c’est une chose à laquelle je suis retourné ces derniers temps. Et donc, en construisant ” :coyot: “, j’ai commencé à utiliser un système intuitif, qui n’est pas sans rapport avec les soi-disant ” systèmes cybernétiques ” de Roland Kayn, mais un équivalent viscéral et mécanique, non automatisé. Couche après couche, chaque couche reprenant l’écho d’une partie de l’autre couche, en la faisant se déplacer pour réfléchir l’autre. Et en écoutant encore et encore, pour procéder à des changements et à des ajustements jusqu’à ce que j’aie l’impression que chaque composant tournait et ronronnait selon son propre accord. Sans l’idée que mes gestes de composition soient nécessairement un problème important. Je voulais me tenir vraiment aussi loin de tout ça que possible. Et ainsi certains éléments sont venus et apparus d’une façon que je sentais être vraiment une réaction naturelle au son. Le matériau lui-même m’enseignait lentement ce que je devais faire avec lui. Je dois dire que j’ai eu aussi beaucoup de contacts très intéressants avec Giancarlo Toniutti pendant cette période de composition. Concernant par exemple cette idée d’une perception très subtile de composants morophologiques internes, et de comment ils sont liés les uns aux autres. Je sens qu’à ce moment je voulais approcher d’un niveau plus profond de perception à l’intérieur de l’œuvre même. Et donc d’une certaine façon, dans un premier temps c’est devenu quelque chose d’assez désordonné. Je faisais beaucoup de séries de mixes bruts, et j’en jetais beaucoup. Puis doucement, à partir de ces mixes assez bruts, en les assemblant, et en créant des mixes plus raffinés, finalement certaines cristallisations de structure sont apparues. Je les ai encadrées et attachées, l’œuvre a semblé grandir comme une plante. Enfin, elle est arrivé au point où j’ai eu l’impression qu’elle vivait d’elle-même.

17.)
F : Quelle différence ferais-tu entre ” :coyot: ” et ” Breathing Towers ” par exemple [un mini-CD sorti sur Dorobo, qui représente un enregistrement stéréo réalisé au Texas à l’intérieur de deux tours creuses en acier par la base desquelles le vent s’engouffrait et soufflait] ?

MN : La différence entre une pièce de studio et un enregistrement de terrain ?

18.)
F : En quelque sorte.

MN : Et bien, les pièces de studio sont pour moi plutôt comme des peintures, j’essaie de travailler sur le contenu d’une peinture jusqu’à ce que j’aie l’impression qu’elle vit d’elle-même dans sa forme, alors que ” Breathing Towers ” est plutôt comme ma photographie, j’essaie de capturer un phénomène comme j’en ai fait l’expérience à ce moment-là. Et je m’efforce de voir si ça peut se transposer dans le domaine sonore, ou si c’est davantage peut-être une sorte de composition en ‘ready-made’. Parce que j’ai l’impression, rien que le fait de photographier, ou de capturer un phénomène sonore et de le présenter – on finit souvent par oublier que le processus qui consiste à l’enregistrer et le présenter à travers des hauts-parleurs altère totalement la pièce elle-même ! C’est la même chose avec le cadrage et l’impression d’une image. Avec ça à l’esprit, j’ai fait passer ” Breathing Towers ” par un grand nombre de réécoutes, en me demandant si la pièce avait de la valeur rien qu’en étant ce qu’elle est, par elle-même. Après ce débat intérieur, j’ai senti qu’elle était bien ainsi en elle-même, parce que le phénomène enregistré trouve à s’exprimer de manière fascinante à travers différent appareils de lecture. Cette pièce avait sa propre dynamique interne, et j’ai ressenti qu’elle s’exprimait convenablement. Je l’ai simplement recadrée et laissé être ce qu’elle est.

19.)
F : Et tu n’as pas eu cette tentation avec le matériau que tu avais récolté sur l’île de Suomenlinna en Finlande, de laisser le matériau à lui-même et de le laisser s’exprimer simplement ?

MN : J’ai le sentiment que quelque chose de ce genre pourrait se produire dans le futur, mais l’espace, mon expérience vécue à cet endroit en Finlande, et les phénomènes liées à l’élément aérien, qui ont provoqué chez moi un choc poétique, tout ça m’a mené droit au studio. Le processus de création de ” :coyot: ” était donc une conséquence logique importante qui s’est prolongée bien au-delà du fait de se trouver là-bas et d’y réaliser cette installation. Le processus de création, à nouveau, n’est pas pour moi nécessairement associé à une théorie de départ. Je ressens, à la façon dont les projets se présentent à moi, ce qui est important à faire, et pourquoi je me lance dans ce processus de création d’une pièce. Les projets font comme s’ils passaient à travers moi, et c’est ainsi que ” :coyot: ” aura été simplement ça, l’accomplissement d’un processus de réflexion sur une période, un moment particulier d’enregistrement. Et, en outre, la prise en considération de quelques changements importants qui se sont produits dans ma vie à cette période. Je considère que si un travail sonore doit être réalisé, c’est un processus important qui doit être entrepris totalement.

20.)
F : Pourrais-tu revenir sur cette idée d’espace eidétique, qu’est-ce que tu veux dire exactement par là ?

MN : L’espace eidétique, c’est une autre de ces ” balises conceptuelles ” qui prennent peut-être leur source dans ces perceptions environnementales de mon enfance. Une chose que je trouve intéressante avec la musique en général, c’est son effet sur la perception intérieure d’une personne. C’est la raison pour laquelle je me suis toujours senti proche des idées de Francisco Lopez sur la musique acousmatique. Par exemple, son utilisation du noir complet pendant ses performances, ou ses performances les yeux bandés, parce que ça stimule immédiatement la sensibilité intérieure d’une personne, et ça met en branle toutes sortes de perceptions internes à propos du matériel sonore. Et je trouve qu’il s’agit de quelque chose dont il est à la fois difficile de parler, mais qui est en même temps un fait à part entière pour moi. Je pense que c’est un des aspects les plus importants de ce genre de musique expérimentale, à savoir comment le son affecte l’espace intérieur d’une personne. Et donc l’expérience de cet espace eidétique, ou la perception claire du monde intérieur d’une personne, c’est quelque chose qui m’intéresse et que je voudrais déclencher. L’usage que je fais de sons continus, faits de textures et d’harmoniques denses a été pendant des millénaires dans de nombreuses cultures un moyen d’initier un déploiement intérieur de la conscience. Ainsi, à ma façon, je crée ces courants parce que ça facilite ce processus interne, mais je m’emploie aussi à m’enfoncer dans une myriade de détails et de mouvements de manière à ce que les masses de sons donnent naissance à une tapisserie extrêmement élaborée – et d’en faire don à l’auditeur attentif et ouvert. Je pense que la musique qui ne fonctionne pas avec ces courants, fonctionne peut-être d’une manière qui leur est opposée. Par exemple, ce que j’entends par ‘musique intellectuelle’, c’est de la musique qui opère au niveau de la conception abstraite qu’une personne se fait de l’espace, du temps et de la réalité, et de la manière dont cette conception devrait ou non se déployer. Ca devient davantage un jeu psychologique de systèmes hiérarchisés de perception, et par moment une sorte de sport ésotérique intellectuel. Il m’arrive de trouver ce genre de musique très éprouvante, parce qu’elle opère tellement au niveau de la présentation préméditée que le compositeur se fait de sa capacité intellectuelle personnelle, de la forme superficielle de son propre langage musical, que je trouve ça particulièrement égocentrique et inintéressant. A l’inverse, j’ai tendance à me diriger de plus en plus vers cette sorte de musique qui travaille à s’éloigner du créateur vers quelque chose qui n’est pas encore façonné par un savoir-faire cultivé, et qui peut-être au contraire semble venir de quelque chose qui soit capable d’ouvrir un dialogue avec des mystères plus importants. Un musique plus humble qui dévore les particularités personnelles de l’artiste qui la crée. Ca, c’est quelque chose avec laquelle les gens, à ce qu’il me semble, éprouvent des difficultés à être honnête, et qui est souvent critiquée du haut d’un sarcasme un peu creux.
Comprendre un petit peu comment cette expérience de l’espace eidétique est incoroporée à ma musique a façonné ma manière de travailler dans le sens d’une sympathie accrue pour les formes géographiques/météorologiques ou moléculaires/cellulaires. En ouvrant une écoute intérieure qui permette la création d’un espace pour canaliser, non pas des sentiments ou des émotions humaines, mais un moyen d’apprécier par l’expérience des formes, à échelle micro et macro, tant organiques qu’inorganiques. Des perceptions internes de la manière de se mouvoir à un niveau énergétique à travers des formes cellulaires, à travers des matériaux solides, ou à travers la géographie ou le temps géologique. Et ceci certainement pas au sens générique de ‘space music’, mais en essayant réellement d’approcher une articulation artistique de notre capacité actuelle à nous représenter ces situations grandes et petites. Il semble que nous soyons suffisamment capables de le réaliser en termes scientifiques. L’Histoire nous enseigne que quand l’art et la science étaient plus proches l’une de l’autre, il n’était pas inhabituel que les hommes fassent de telles associations. L’art moderne s’est approché de ces concepts sous des formes diverses, mais le rôle quasi religieux joué par la science dans nos sociétés ont presque inversé les associations poétiques en une forme d’acte sacrilège. Je pense que le son a un potentiel incroyable et évident, dans la mesure où son essence même est fondée sur la vibration qui est, comme nous le savons, le moyen par lequel par lequel nous faisons l’expérience de l’univers. En réalité, le son est l’une des analogies les plus claires qui ouvre une voie pour la compréhension de notre conscience. C’est la raison pour laquelle je choisis expressément de me tenir à distance des structures musicales humaines, parce qu’elles semblent ancrer le son à un univers de référence. Je voudrais continuer à rechercher des formes qui surgissent à partir de matériaux non-référentiels, dans la mesure où ceux-ci englobent ce que l’humanité ” civilisée ” a rejeté bien souvent comme sans conséquence. Mais bien sûr, j’admets volontiers que la musique sous de multiples formes, référentielles ou non, se prête à une myriade de merveilleuses explorations de la conscience liée à la perception. J’ai simplement été amené à prendre ce chemin du fait des circonstances de ma vie, mais je suis comme auditeur avide de toutes sortes de formes de musique.

21.)
F : Quelle est l’importance de l’Europe et le fait d’y être venu à plusieurs reprises ?


MN : Et bien, le point de départ esthétique de mon travail avec le son, du moins pour ce qui est d’avoir commencé à enregistrer des projets, remonte à la période où j’ai voyagé et vécu en Europe, en 1991-92. J’avais expérimenté déjà pas mal de mon côté aux Etats-Unis, mais quant à trouver une idée cohérente de ce que j’étais en train de faire et à travailler avec d’autres artistes, ça a toujours commencé en Europe. Je pense qu’il y a comme un niveau d’intention artistique qui peut être plus sérieusement articulé avec les gens que je rencontre en Europe, et qui est beaucoup plus rare à trouver aux Etats-Unis. Et donc, depuis 1991, presque 30% de ma vie s’est passé en Europe. Je pense que le fait de voyager, approximativement tous les deux ans, et d’y passer entre 2 mois et demi et 6 mois d’affilée a constitué dans ma trajectoire un moment important pour le développement d’idées et pour l’assurance que je peux avoir en relation avec mon travail sur le son. Je pense que je suis en train de devenir une sorte d’hybride – influencé à la fois par le paysage primaire et le monde naturel de l’Amérique du Nord et par le cimat culturel et intellectuel de l’Europe. Ce cycle a aussi été une source de stress pour moi, dans la mesure où chaque voyage s’est accompagné de déménagements, qui m’obligent à m’extraire et à changer radicalement ma vie aux US au point que je me sens à peine ‘chez moi’ quand j’y suis. Presque à chaque voyage je suis revenu aux US avec pratiquement rien, à devoir recommencer à nouveau à chercher du travail et à me reconnecter, et aussi à devoir me faire à un décalage soudain, en passant d’une situation où je suis constamment à rencontrer des gens qui sont engagés dans cet intérêt pour le son en tant qu’art – à toutes sortes de communautés très différentes qui aux US se débattent davantage avec des conditions sociales de survie en tant qu’artistes au sein d’une culture qui ne nous soutient pas. Mon assurance devient comme ébranlée dans la culture américaine actuelle, et je semble entrer en hibernation ici. Sur un plan symbolique, chaque voyage en Europe me met au défi de me réaffirmer moi et mon itinéraire en tant qu’artiste. Mais bien que ce cycle de va-et-vient entre l’Europe et les Etats-Unis a été plutôt important pour mon développement, je trouve que je commence à avoir besoin de me trouver un endroit stratégique plus permanent qui me permette de me stabiliser et de me donner une base à partir de laquelle porter mon travail à un autre niveau. La question, c’est où – les US ou l’Europe ? Je commence à penser qu’un séjour plus long et un projet artistique de plus grande envergure en Europe serait important pour moi, mais il reste la question de savoir où et comment.

22.)
F : Je voudrais revenir à ” The stomach of the sky ” et ” The absurd evidence “, tous deux réalisés en duo sous le nom de ‘mnortham et jgrzinich’. Qu’est-ce que vous essayiez de réaliser à cette époque ?

MN : Je pense que cette phase de travail a été marquée par le désir de se soutenir mutuellement. A l’époque où on développait les enregistrements pour ” the stomach of the sky “, j’étais seul à Seattle. Mais j’ai découvert le soutien de John Grzinich quand je suis retourné à Austin, et nous avons préparé un voyage ensemble en Europe. A cette époque en Europe, il y avait une opportunité de terminer ” the stomach of the sky ” à Coblence au studio de Bernhard Günter, alors on a saisi cette occasion et on a complété l’œuvre avec des enregistrements de notre voyage. Plus tard John a travaillé seul chez moi à Austin, dans mon studio. Ce matériau allait devenir le gros de ” The absurd evidence “, à l’exception d’un élément qui venait de mon travail. On a tous les deux appris, je pense, que la composition était une tâche solitaire. Qu’il n’y a qu’une seule personne qui soit en réalité à même d’être intimement conscient de ce qui se passe dans le processus où l’on développe et termine une pièce ; mais nous étions à l’époque ouvert à l’idée de partager le résultat final. Mais après le second travail, on savait qu’il serait préférable de travailler seul dans le futur. Je pense que j’étais engagé sur une voie où j’avais besoin de me centrer directement sur des notions de composition intuitive, afin d’affiner et de développer mes idées parfois excentriques sans me faire interrompre ou avoir à en expliquer les raisons à quelqu’un d’autre. Bien souvent il y a un aspect dans le processus créatif qui opère sur une base non-rationnelle, et le développement, le fait de favoriser ces motivations peut aider un artiste à trouver les qualités de sa propre voix. Quand on se met à rationaliser des choix sur un mode diplomatique, ça peut compromettre gravement une œuvre et son développement. Je pense qu’après la fin de cette collaboration avec John, j’ai commencé à me recentrer sur mes propres méthodes, en m’engageant plus loin dans une voie qui aurait été interrompue prématurément auparavant. Je pense que ce processus est celui de la maturation de sa vision personnelle, un processus tout ce qu’il y a de plus normal.

23.)
F : Comment envisages-tu dans le contexte de ton propre travail les autres collaborations auxquelles tu as participé ?

MN : Les collaborations en général ont été importantes dans la mesure où j’ai toujours été intéressé par l’ouverture d’un dialogue avec d’auters artistes. Pour moi c’est une école de la vie. Jeter un œil dans ce qui fonde les modèles de pensée de chacun, et voir ce qui peut en sortir. Au commencement de mon travail avec le son, il était nécessaire pour moi de travailler en collaboration, puisque je n’avais pas de studio. Quand je voyageais en Europe, des gens comme Martin Franklin de TUU, ou Rudolph Ebber [Eber ?] de Schlimpfluch, Guido Hübner de Das Synthetische Mischgewebe, et aussi Marc Behrens et C.O. Caspar – tous ces différents artistes m’ont permis très tôt de travailler avec eux ou même de me laisser utiliser leur studio. Et donc, de la sorte, c’était au début toujours une sorte de collaboration entre différents environnements. Plus tard alors, mon expérience avec John Grzinich a développé ce qui est davantage un ‘dialogue heuristique’ partagé. On apprenait notre propre langage musical, notre propre langage sonore, nos propres désirs créatifs, en creusant des fondations pour une intention. On apprenait tout ça au moment même où nous collaborions. Et jouer avec les notions d’un ‘projet de groupe’ (ERG), et de quelque chose comme une organisation (Orogenetics) – qui tous deux incluaient Seth Nehil et Josh Ronsen. Peut-être qu’à cette phase de commencement, nous avions besoin de soutien mutuel. A mesure que nous nous développions, j’ai commencé à m’apercevoir que nous avions besoin de découvrir d’abord chacun notre propre façon de travailler. J’observe d’ailleurs que c’est là une différence entre la façon de travailler avec des artistes en Europe et aux US. Peut-être que ça révèle une approche différente de la confiance artistique et de la sécurité que chacun a de sa propre perspective. Après la fin de cette période avec John, j’ai vite rencontré et travaillé un peu avec Slavek Kwi [Artificial Memory Trace] et Michael Prime, et suis entré en correspondance avec Giancarlo Toniutti. J’ai réalisé qu’il y avait des formes de collaboration qui peuvent être approchées plus directement par la sympathie et en élargissant davantage la communication. Je trouve qu’il est absolument nécessaire, si une collaboration se veut fructueuse, que les deux parties soient intéressées par un accroissement des activités de chacun. Il doit y avoir une forme de transparence et de respect mutuel qui se concentre sur une volonté d’étreindre les qualités de l’autre, et que l’on doit voir comme un compliment. C’est comme ces sessions inattendues avec Colin Potter et Darren Tate de ORA, qui a abouti au double LP ” Amalgam ” : je voyais que le travail était une rencontre entre des artistes qui semblaient vouloir spécifiquement injectée l’influence d’autres éléments dans leur travail. Je l’ai vu comme la redécouverte d’une collaboration signifiante qui n’est pas provoquée par les circonstances, mais davantage quelque chose d’orienté vers un processus d’appréciation directe de la façon qu’à chacun de travailler. Et de désirer de nouveaux types d’influence, et de les rechercher spécifiquement.

24.)
F : Peux-tu expliquer comment tu présentes ton travail dans un contexte live ?

MN : Oui, le travail live a toujours été assez étrange, parce que c’est toujours pour moi un compromis à partir du travail que je fais en studio. Et aussi, j’ai tendance à faire plus de performances quand je voyage en Europe qu’aux Etats-Unis. Il semble y avoir une sorte de renversement vicieux entre le moment du studio et la préparation pour un live. Une partie de ce qui est réalisé pendant le travail en studio, pourtant, s’insère joliment dans le développement d’une pièce pour un live, mais je sens que je suis en train de changer radicalement mon approche. Je ne suis pas satisfait avec le fait de mixer simplement du matériel pré-enregistré comme certains le font. Alors j’essaie de mettre au point de petits appareils qui peuvent générer différents éléments sonores qui peuvent être mixés à un substrat de matériel enregistré. De la sorte ces performances deviennent quelque chose qui se situe à mi-chemin de la musique improvisée et de la musique pour bande. La forme proprement dite est basée sur la création d’atmosphères harmoniques denses, le déplacement des dynamiques internes de ces harmoniques et l’improvisation avec des matériaux acoustiques amplifiés qui viennent compléter le champ sonore. J’ai remarqué récemment que le travail en live devient une sorte de d’articulation et de fluctuation entre des modèles d’énergie, qui dépendent pour une part de l’endroit où je me trouve. Le morceau devient un reflet transparent de l’énergie de l’atmosphère environnante. C’est un ami dans l’Oregon qui a remarqué ça en observant une performance : il a remarqué que la sensation s’apparentait à cette ‘possession de l’espace’ qui est indispensable dans son métier de professeur de yoga. Je vois aussi un lien avec des expériences de performance actionniste que j’ai pratiquées par le passé, quand je me procurais différents matériaux bruts et différentes substances, et que je commençais à me déplacer dans une zone, en changeant ces substances en relation avec mon corps et avec l’espace, pendant parfois plusieurs heures – quand le plus important était de garder une prise sur l’atmosphère générale de l’endroit. La différence que je vois maintenant avec une performance live, dans le contexte d’un concert, c’est que je manipule les énergies vibratoires que produisent des objets, des appareils et des enregistrements qui doivent fonctionner comme une entité unique et totale. J’ai développé une approche du traitement et du mixage live qui agit comme un traducteur temporaire de l’énergie qui se trouve dans l’environnement. Alors, quand je me retrouve dans des bars remplis de gens inattentifs, mon travail devient plus conflictuel et agressif. Alors que quand le public est réceptif, alors le concert est plus subtil et plus riche dans sa forme. Je commence maintenant à être plus difficle quant au choix des événements organisés, et je préfère éviter les scénarios de confrontation, dans la mesure où je sens que ces dynamiques déforment mon travail d’une manière assez inconfortable. Dans des environnements réceptifs, des gens m’ont dit qu’ils avaient ressenti mon travail comme un vecteur d’énergie fragile à travers l’espace.
Et aussi, avec des performances en groupe il y a des dynamiques beaucoup plus larges auxquelles je commence à m’ouvrir. John, moi-même et parfois quelques autres nous jouons en tant que ERG ainsi que dans d’autres groupes expérimentaux. Ici, je trouve que l’élément crucial dans cet exercice c’est d’écouter et de s’oublier soi-même. De penser davantage au rôle joué par chacun comme à quelque chose qui serait un élément isolé dans une forêt de son – et répondre aux éléments sans penser à la ” forme jouée par un individu ” mais davantage à une condition énergétique. Un document intéressant établi à partir de ces expériences a paru sous la forme d’un CDr de Alial Straa intitulé ” Tunnel/Stairwell “. Avec les performances de ERG, nous avons souvent travaillé avec des squelettes pré-enregistrés qui nous aideraient à travailler à travers différents champs que l’on se mettrait alors à explorer. Mais ces projets ont pris fin avec mon départ de Austin et la point final de ma période de collaboration avec John.
Récemment j’ai eu l’occasion de faire quelques duos en live à Londres avec Michael Prime, une session avec une formation de Morphogenesis, et un trio à Dublin avec Michael Prime et Fergus Kelly. Ce fut là chaque fois de très beaux moments d’écoute fragile, des sessions au cours desquelles nous avions chacun notre propre table de mixage et opérions à distance physique les uns des autres (ce qui n’avait pas été fait avec ERG où nous étions souvent attachés à la même table). Je pense que c’est très important quand on joue avec d’autres gens cette sorte de musique – quand on explore le son comme une énergie, avec chaque individualité qui travaille à des systèmes séparés mais reliés à l’ensemble par la concentration. Pour le futur je suis intéressé par la conduite et la composition d’ensembles plus larges de personnes qui travailleraient tant avec des moyens acoustiques que des traitements életroniques, pour créer des œuvres qui ne seraient pas simplement des morceaux d’improvisation, mais des orchestrations à une échelle plus vaste de développement et de déploiement. Ceci paraît impossible avec les moyens limités dont je dispose pour le moment, mais un jour, peut-être… Dans l’Oregon, il y a eu un groupe d’improvisation avec jusqu’à 8 ou 9 personnes qui changeaient de place dans une pièce, accompagnés d’un traitement subtil, et qui débouchait sur quelques belles ondulations d’événements. Ils se sont également révélés comme de très intéressants exercices d’écoute.

25.)
F : Je voudrais que tu expliques pourquoi René Daumal est si précieux pour toi, et si tu vois un lien entre ses écrits ou ses idées et ta musique ou ton travail graphique ? Et y a-t-il d’autres figures littéraires ou artistiques qui ont un rôle important, d’un point de vue thématique, technique, etc., pour ce qui essaies de faire ?

MN : J’ai découvert René Daumal grâce à un ami qui m’a indiqué une référence à ses écrits sur un disque de Ghédalia Tazartès, ” Check Point Charlie “. J’ai d’abord lu sa ” Grande Beuverie ” en une journée alors que je traversais de petits canyons dans un parc, un jour à Austin. J’ai beaucoup apprécié son exploration très pointue d’hypothèses qui révèlent des dogmes cachés, dans une lutte constante pour ” rester éveillé “. Ses écrits offrent également un excellent exemple d’une prise de conscience particulière de l’importance qu’il y a à faire attention et à explorer en profondeur son propre ” espace eidétique ” intérieur. Comme sa pensée s’est développée dans son écriture à partir du ” Grand Jeu “, le groupe de sa jeunesse, et plus tard dans ses études personnelles du Sanskrit et des esthétiques orientales, je ressens la même sympathie que lui pour des traditions où l’on cherche à libérer plus profondément sa pensée de la fragmentation toujours plus oppressante du positivisme et de la subjectivité. C’est un sujet plutôt difficile à expliquer pour moi qui n’ai pas tous les talents d’un écrivain, mais je ressens de l’empathie dans les développements plus tardifs de Daumal vers une expansion de la pensée, la recherche d’une trame plus globale de la signification de nos expériences, vidée des filtres quasi-rationnels de notre appétit glouton d’Occidentaux toujours à la poursuite de la fierté arbitraire et subjective de quelque identité personnelle… C’est pourquoi je vois de nombreux parallèles entre sa recherche littéraire et mon intérêt pour le son – même si ce dernier est bien plus difficile à saisir par l’esprit. Dans son livre Rasa, il passe beaucoup de temps à parler d’esthétique et d’art (particulièrement la danse et la musique) en Inde. Et bien que, malheureusement, l’art indien semble avoir été réduite aujourd’hui à une forme méconnaissable par la mentalité occidentale , à l’époque où Daumal écrivait c’était toujours un défi pour les Européens. Daumal fut un de ceux qui ont ramené les premières représentations de la compagnie de danse et de musiciens de Uday Shankar en Europe et aux US. Dans Rasa, il rapporte et commente ce qu’il a entendu à leur sujet lors d’une de leurs performances en France : ” Je ne pus, cependant, me boucher les oreilles assez vite pour ne pas entendre ces quelques mots dont se chatouillait publiquement le gosier une grasse bourgeoise arthritique, une fine lettrée, assurément: “La musique de ces gens-là, gazouillait la Tête-à-gifle, c’est comme leur philosophie: toujours la même mesure ou la même proposition, pendant des heures ou pendant des siècles; c’est tout de même bien monotone.” J’en conviens, madame, c’est toujours le même but que poursuivent cette musique vivante et cette philosophie dans ce qu’elle a de vivant: vous ouvrir les yeux devant ce que vous êtes réellement; vous n’y avez vu qu’un désert d’ennui; à qui la faute? ” (*). En général, René Daumal a été un écrivain qui pour moi aura mis en mots des notions qui continuent à m’encourager à franchir d’autres étapes plus téméraires vers la concrétisation de mon propre travail de création. Bien sûr il y a également d’autres sources d’inspiration littéraires ou artistiques, comme Max Ernst, Alejandro Jodorowki, Lama Anagarika Govinda, un grand nombre de textes tibétains, W.Y. Evens Wentz, et j’en découvre toujours de nouveaux.

26.)
F : Enfin, une question qu’il est toujours intéressant de poser dans n’importe quelle interview : quels sont tes projets et tes activités pour le moment ?

MN : Actuellement j’ai commencé à travailler sur une pièce inspirée par un vieux mythe irlandais. Je suis en train de découvrir des liens énergétiques entre cette pensée et les cosmologies tibétaines et indiennes-américaines. Grossièrement, l’idée se centre autour de mon actuelle balise conceptuelle, ‘SIDH’, qui est un mot gaélique qui signifie ‘l’habitation de l’autre monde’. Je ne m’intéresse pas à ce sujet particulièrement pour ses implications ouvertement ‘métaphysiques’, mais parce que je suis à la poursuite d’une compréhension poétique de la manière dont la perception humaine est en liaison avec les phénomènes éternels. C’est peut-être bien au sujet de la lutte pour donner un sens à l’ ” absurde ” à travers des moyens créatifs qui permettent de regarder dans les cycles de vie et de mort. L’expérience de l’Altérité ultime. Et aussi d’explorer les contrées aux frontières de la perception où l’on ne peut être complètement conscient, où l’on met en question l’illusion de la conscience absolue.
Pour ce projet j’ai travaillé avec des sons que j’ai recueillis autour de la côte occidentale de l’Irlande (dans le Burren et dans les régions autour de Galway, Doolin et Kilarney). En me servant de systèmes fondés sur mon idée d’une ” musique moléculaire “, en incluant un élément extrait de mes propres chants d’harmoniques à l’intérieur de dolmens.
Il y a bien une chance que je retourne en Europe. Je vais commencer à me préparer pour cette possibilité. Entre-temps je vais rester à Portland, dans l’Oregon, à aider d’autres amis à réaliser des projets musicaux, à profiter des forêts, et à examiner quelles seront les prochaines étapes, tout en essayant de me maintenir au-dessus du seuil de pauvreté…

(*) ” Sur la musique hindoue “, article publié dans la N.R.F. à l’occasion des représentations à Paris d’Uday Shankar, avec sa troupe de danseurs et de musiciens, 1931, repris dans ” Bharata “, Gallimard, 1970.


Discographie (ne reprend pas les morceaux sur des compilations) :

– solo :
” from within the solar cave “, CD, Absurd, à paraître.
” breathing towers ” – CD single, Dorobo, 2000.
” :coyot: ” – CD, Erewhon, 2000.
” many rivers move along the surface of the magnet ” – LP [réédition, C45, Isomophic, 1995], E.R.S., 1999.
” condensation ” – 7″ vinyl, Povertech, 1996.
” ground ” – C45, S.F.C.R., 1993.
” another object ” – C45, auto-produit, 1991.

– avec John Grzinich (sous le nom ‘mnortham & jgrzinich’) :
” the absurd evidence ” – CD, Orogenetics/ Bobby J, 1998.
” the stomach of the sky ” – CD, Staalplaat, 1997.

– avec ERG :
” geosynclines ” – CD, Flenix, 1998 (collaboration entre ERG (MNortham et Josh Ronsen), MSBR et Das Synthetische Mischgewebe).
” the heuristic dialogues ” – 2 x C60, Orogenetics, 1997 (performances de ERG et collaborations avec Johannes Dimpfelmeier, The Oval Language, CO Caspar, Das Synthetische Mischgewebe).

– avec ORA :
” amalgam ” – double LP, edition… , 2000 (avec Colin Potter et Darren Tate).

– avec Martin Franklin :
” an opening of the earth ” – CD, SDV töntrager, 1993.

Michael Northam Interview
Thanks to : Frederic Claisse, Pascal Boué, Patrick Delges, Eric La Casa, Tereza Topferova, Josh Ronsen.
[ interview en français ]

1.)
F : I will ask you to start with your personal background. Where do you come from, how did you come to music?

MN : I was born October 9, 1970 in Murry, Utah, on the outskirts of Salt Lake City beside a mountain. The family came from Indiana, and my father had been involved with automobile racing and was working temporarily in Utah. Two years later we moved back to Indiana, a very flat place. For me this became an important early geographic memory demarcation remembering the forms of mountains in a place where there were none. I grew up around racing and my father’s remote control flying of helicopters and airplanes. I was from the beginning somewhat of an eccentric in an eccentric family, I suppose. There was nothing specifically musical about my family. Nor had I thought about sound per se, save for surreal evenings, driving cross country, listening to swing music and my mother’s occasional singing practice.
However, I developed a strange fascination with obscure environments, and experiential elements of location – sound, temperature, perspective, qualities of light and atmosphere. The basement of my childhood house became to me a laboratory, in part because of my father’s experiments with tools, machines and remote control devices and as well my own transformation of objects and discarded materials. I remember once being given a cassette recorder and making early experiments. At this early age, I recall thinking about how one might go about sharing an experience of an environment, or a half awake perception of reality. I attempted to express this but was not understood. These important associations to experiential locations must be related to the effect of traveling for days overland, which our family did occasionally. Especially important were times spent crossing the great empty landscapes of the North American continent. These immense scenes, often remembered in early dreams, of twilit undulating planes planted seeds in my mind. Later these developed into an understanding initially through visual art slowly developing through experimentation in painting to sculpture, then to video art on through trials of personal actionistic performance work. Through this process of exploration I had a reoccurring interest in sound as the central point of transmitting these internal environments, making coherent an experience of these mysterious places in my mind’s eye which fascinated me.

So without knowledge of the art world, coming from nowhere, and without a musical background, I approached sound as more of an extended process of this intuitive manifestation than a musical medium. I began with no equipment. I was compelled to the medium without any idea of how and where to begin. Initially working at Indiana University I created sound works for my video art projects and become more aware of other artists using sound. Then after moving to Austin, Texas and introducing myself to the people of N D – I began to see this being manifested more clearly and as well found openings to a larger international community of artists. My first recordings at this time were done by basic means, for example with a quarter-inch plug directly touching a rusty metal surface in order to get the patterns of electrical cracks and pops. Not until traveling and living in Europe in 1991-92 did I begin to integrate my ideas. This year was, I felt, an initiation as I worked and spoke with many artists who inspired and nurtured in me a germinating seed of realizations that moved me to actualize work. This initiation was ‘celebrated’ with the project ‘An Opening of the Earth’ with Martin Franklin and ‘Ground’ a collection of recordings done at a variety of people’s studios in Europe. Since then I have cycled between Europe, Austin, and the Pacific Northwest ever so slowly growing with my intentions. Over the course of the last 10 years I have been letting projects come together as they will, keeping a sensitivity to a longer path that I feel I am on.

2.)
F : What was your first relevant musical (sound?) experience which would later evolve to what you are doing right now? What could be a initial striking event that you remember?

MN : There were a number of different things. Where I grew up in Indianapolis there was a train in the backyard. This train would cause of sympathetic vibrations throughout the house. I found myself searching for some faint buzzing sound phenomena. I eventually found it emanating from vibrating wine glasses in my mother’s china cabinet, amazed as the sound lasted sometimes for nearly an hour after a train had passed. This child-like scientific curiosity became a meditation that acted as seed activity, promoting my attraction to sustained resonances found in unique conditions within a particular environment. As well, I have some strong associations with electrical storms, standing outside, trying to conduct the lightning, as if composing the sounds of winds and lightnings. Extreme low frequency roars from a near airports was perceived by me as a literal sound of god. This direct experience of sound within landscapes created for me a myriad of mythological associations. Therefore, at an early age, meteorological, geographical and a variety of other physical phenomenona came to me intuitively as an important source of inspiration. But, I had at that time never associated these inspirations with music or the creation of art.

3.)
F : No?

MN : I associated these events simply as raw experience mixed with notions of an expanding realization of my own existence. Experience of perceiving directly what is there in front of us everyday.

4.)
F : The experience of perceiving then, I think is a key issue in your work as I understand it.

MN : Perhaps I’m attempting to approach a perception of actuality, of what’s happening at an increasingly profound detail surrounding any one person, at any one moment in their life. As I see it, generally people are rather insulated from what’s happening inside and around themselves. We tend to be rather isolated consciousnesses. Consciousnesses that focus increasingly on immediate personal issues, and we don’t see, and often we fear seeing our personal realities torn open to reveal a naked and fundamental reality that we are undoubtedly embedded within. Perhaps these early interests in experiencing directly surrounding environments have prompted me to think about these topics. Naively in trying consider environments directly as experiences, I found that I would adopt non-personal perspective from some remote architectural corner, as a piece of dust floating through a sun beam, or within a crack of wood following landscapes of a tiny world. Just the idea of placing oneself away from a personal perspective into something extremely small, something distant, something left alone and ignored by humanity. This became an inadvertent exercise that developed my sensitivity to the importance of exploring articulate perception, and therefore this has been an essential beginning to my work with sound. Not a theoretical or compositional perspective, but simply an intuitive spark that usually produces something interesting, and often surprising.

5.)
F : So intuition is much more important than say theoretical ideas about composition for instance.

MN : I get confused by notions of theoretical ideas in composition. They seem like some form of quasi-science, something like aesthetic determinism.
It seems that some composers imply that there is a hierarchy of perspectives from which to start creating or judging music. These approaches appear to come from a desire to be protected from failure or a desire to place one’s self ‘above’ others. But in fact, being open to ‘dance with failure’ with humility is a integral approach to any creative process. I like working from a ‘naive’ perspective, because I find life a mysterious and constantly unfolding experience. If I had to put a ‘theoretical’ identity upon my artistic intention, it would be to allow potentials that have accumulated from my life ontology, to crystillize without influence from economic or cultural trends. Contemporary trends of cultural and economic ‘lifestyles’ seem to act as amoebas devouring what lies in their path. I’ve observed people slowly burning themselves out, digging a big gutters for themselves to circulate through, ad infinitum. I’m committed to create a life and a work that steadily grows and responds directly to my experiencing of reality. Experimenting and discovering things in an open and perhaps even childlike way.

6.)
F : Could you say that you associate theory with protecting oneself, as a kind of self-protection through theoretical issues. Avoiding exposing yourself and possibly the listener to some sort of risk?

MN : Perhaps. But, to be honest, I don’t fully understand the application of theory to the exploring of sound as an artistic medium.

7.)
F : But you seem to have some theories.

MN : I have some notions merely and these are constantly in the process of being challenged and changed. In my own way of speaking I have developed some conceptual beacons. I have an idea I throw out at a distance, as a beacon. And as I move towards a semblance of enacting or realizing this idea I adjust and develop a work in often unexpected ways. You could make the association to the Andrej Tarkowsky film ‘STALKER’ where the main character throws a stone off into ‘The Zone’, and follows that stone. Using that as a mechanism of navigation through an uncertain territory that in the film seems to change as the characters walk towards the stone. Similarly I find that my concept of theories in my world change, as I throw out these conceptual beacons and move towards them.

8.)
F : And what would be these theoretical beacons?

MN : These can be a number of aspects of my work: methods of processing, technological limitations, a limitation of a particular source material or even the name of a particular piece. For example, currently I have been throwing around the phrase ‘molecular music’. It represents my concept behind a massive superimposition of sound material that creates a sonic metaphor of molecular structure and movement, especially in living organisms. So with this beacon in mind I work on a particular sound. Paying attention to the inner dynamics of formation and frequency/pattern contents, I consider this form based on a perspective of raw content regardless of origin or representation, as a sound object. Then through rather convoluted processes of trial and error I weave the threads of singular materials into larger components of a composition. Observing the soundwork development, being sensitive to the morphological dynamics and finding satisfaction when I find passages that unfold like an organism. For me this is an operation that tests my ability to work with deep levels of intuitive awareness of the material, whether or not the work is unfolding in a way that compliments the intention I find within the sounds. As well, I observe how my attention unfolds while the sound work unfolds, or conversely how my perception folds within the composition’s folding. Since I have never been interested in the intellectual consumption of music, I place the intuitive feeling of a piece of music over hyper-intellectual constructions. As these become ego constructions and intellectual toys. It is important for me that my music weaves together an experiential journey of perception as you listen.

Of course this approach changes. I don’t feel like I can ultimately plan, or predict what I’m going to do. Usually the material itself tells me what to do with it. And as I work on the material, it tends to evolve. Like a plant, like ivy, sometimes I can’t tell what forms will arise before I start. It is often a mystery to me. Sometimes this can be frustrating but nothing can be guaranteed in this life. I can’t work on pieces and be finished under deadlines. It is extremely difficult for me to work that way, as I’m learning new things about what I’m doing as I’m doing them. Which I think most people working with sound do. There seems to be a lot of hyperbolic language used to assert one’s personal claim in their work. Although, if intimate choices could be revealed, many people ultimately fall back on intuition, relying on uncertainty though they believe they have everything under control. When one is alone in a studio and among an ever growing field of possibilities one feels always more secure by adhering to a limited and a set plan, but there is always something that at any moment will alter intentions. Retrospectively perhaps one collects what happens and creates a reason, but it is clear their intention has followed an uncertain path. I admit easily I follow a path of many bifurcations, challenging myself with changing approaches, that for me has proven to be a fascinating route of discovery.

9.)
F: Tell me more about your idea ‘beacon’ of ‘molecular music’, especially referring to the layering and processing techniques that you use?

MN : Since 1998 I have been reading bits and pieces from Rupert Sheldrake and was impressed by one passage that described the process of the complex folding of protein molecules. He attributed his concept of Morphological Fields to the patterns that these particular molecules take, even after being ‘flattened’ chemically. These molecules tend to refold in the same pattern even though there are millions of possible others. I began to become curious to experiment with methods of composing and processing that could inform sound elements with internal dynamics that poetically paralleled these embedded folded molecules movement within larger systems like cells.
I had come to this idea indirectly with the :coyot: project but specifically went further in this direction of ‘molecular music’ by creating a piece ‘Molecular Knot Phase I’ (released on a compilation ‘9 to 5’ from Base records, Linz, Austria). This was based on an acoustic recording with Seth Nehil. We recorded a session of the repetitive striking of a 20 string monochord and miscellaneous other stringed instruments producing arrhythmic patterns. The piece grew by layering and shifting the same recording onto itself until a constant sound mass was formed. The individual layers were equalized in differing ways which produced within the sound mass an incredibly intricate and woven fabric of sound with which I found produced an affect of suspended time and an experience of internal folding when listening deeply.

Later another piece entitled ‘From within the solar cave’ (to be released from ABSURD, Athens, Greece), was a further exploration of this method. For this piece I was challenging myself by using as a base material recordings made by CO Caspar, John Grzinich and myself which were manipulations of metal and organic objects with contact microphones and were processed live electronically. This rough material was extremely dissonate and noisy with harsh elements and erratic behaviors. I began by separating the original session into a series of segments. With each segment I began by layering the material from 128 to 512 times with adjusting each layered group individually. This spread the rough sounds over time creating a rich material that had many intricate internal elements. The resulting fragments were then arranged, and the best mixes were selected. The process produced three distinct ‘movements’ that were framed with complimentary sound materials and presented in a final form as a three part poetic journey to the center of a mythical biological cell.

These results, from moving towards a ‘conceptual beacon,’ have brought me to unexpected forms poetically mirroring dense masses of inter-relations at work within an organism. The combination of expanding the time dimension of the pieces and their inner details produce for me an opportunity to experience perhaps sound as an energy portrait of microcosmic proportions. The massive erratic flux, that operates on an organizational system beyond our abilities to digest wholly, is reflected in the sound works themselves.

10.)
F : Which materials do you like to work with? You seem to be fascinated by meteorological events for example.

MN : I’ve seen my pursuit of sound material sometimes channeled by a notion of using and exploring different symbolic elements – earth, air, fire (energy or electricity), water. Although generally I simply take what I find nearby with the focus on finding complexity within the material I choose to record. I consider meteorological phenomena a beautiful example of a complex system that surrounds us. Every time you look up and see clouds in the sky, you’re reminded of the massive scale of movement above, of the fluxing particles surrounding us all the time, everywhere. For me this is obvious and has always been a powerful attraction to try to understand and be sympathetic to. Not necessarily consciously, but I seem to return to it, because it always reminds me of our relative insignificance. Although many are insensitive to this and see these forms as basic and mindless systems. The choice remains either to fall back and allow these dominate habits to blur the details of perception or to look closer within the ordinary to see how little of it we can comprehend.

Back to sound, for example, I have tried to develop rather basic systems using motors and wires to create incidental harmonic clouds that constantly drift in time. ‘Harvest of vectors’ [see photo of installed wires], was an installation that I had created in Austin, Texas in 1998 with help from John Grzinich and Carmen Resendez. There we created a system of motors playing many long piano wires that were connected to each other. Any change influenced all the wires’ tension and created dynamic shifts in sound around the room. Over time the incidental harmonics would drift by themselves.

The development of these types of systems initially came out of the practical necessity of working alone. I wanted the sound of many people playing many sounds at the same time. At this time I didn’t have any multi-track recording equipment. Making installations in my studio developed from a pragmatic method to record complex, multi-layered acoustic sounds while being alone. As well, I early on trained my ear to search for sound materials that are as complex acoustically as possible. Now with better equipment these exercises have helped my compositions come together by embedding details to interlock within processes flowing through the content of the work. I find in my way of working, singular sounds (striking, ‘playing’, banging) made by myself become sound events too representative of direct human actions, and, for me, become distracting. I’m particularly interested in creating a form of music that holds something new without distinct references-even for myself as the creator. I go about this through the use of currents or streams of sound that cross, mix and breakdown like chemicals. As well, I am uninterested in virtuosity and the representation of a human choices within compositions – my tendency is to work not from my choices but choices revealed in the sound material itself. Currently in the studio I enjoy creating a wide palette of material from whatever means strike me; from recordings alone, from processing, layered raw material, and recently with working overtones from electronic devices and my own voice. I find that sounds can be tapped easily for interesting qualities, and with the use of digital mixing I can go deep within the subtle weaving of sound. I must say that I find that it is a seductive myth for many composers to think that acoustic sources alone are in some way superior to other processes – the act of taking sounds by microphone, unavoidably filtered through the recording process and presenting them through unknown playback devices is an incredible process of alteration. Regardless of source, the experience is in the interface of some sort of speaker and the ear, this is what I try to concentrate on. I challenge myself to find depth and life with an unusual assortment of sources.

11.)
F : Would you say that your music tries to simulate or emulate complex systems or an idea of complexity, like fluxes and turbulences.

MN : I would say that this has become a fundamental aspect. Because I’m interested in reminding myself that we as humans are in the midst of very violent and complex systems all the time. We’re generally insulated from these. But for a simple example, if you look into your palm, and you consider the cellular structure that makes up the inside of your hand. It’s an amazingly complex system that’s happening simultaneously, on many different levels of organization. Shifting between layers of perception related to observation we find our bodies, our consciousness, our feelings simultaneously experience reality in different ways. Now as we’re talking together and as the reader reads this text. So it is a fascinating exercise to shift around within this myriad of processes going on simultaneously. But without effort our mind returns to focus and simplify creating stable concepts of forms from the incredible flux that we ourselves are made from. Therefore I find it an important practice to become increasingly aware within the midst of this incredible mess of energy and material, interacting with itself as a process to liquidate the solid core of our egos. For me then the play of being comfortable moving through the different planes of this perpetual drunken universe becomes manifested when I create my music. I emulate these systems I perceive by both the choice and creation of raw sound material and through the process of composing in itself. Therefore I believe my work to be a result of creating during a state of awareness while embedded in a momentary flux of the ‘belle confusion’ surrounding us.

12.)
F : And how do you think your music succeeds in emulating these systems ?

MN : I feel that my work is a tool that an active listener can utilize as perhaps a sonic tool for meditation. Or perhaps, as I have thought of it, as a type of ‘sound compost’. A nutritional substrate or source of perceptual raw material. I have had comments from friends who are painters and dancers, that they have enjoyed working with my sound as medium within which to work. Particularly the dancers, who are sensitive to moving within energetic patterns, experience my work as a space wherein they can work with their bodily thoughts. So in a way it’s an attempt to create a sound space that can perhaps resonate with the listeners’ own internal uncertainty and internal spaces. Perhaps to bring their own eidetic space and latent perceptions into focus.

13.)
F : So you’re asking a lot of your listener.

MN : I’m not asking anything, actually!

14.)
F : Yes, but you’re saying that your music requires an active participation of the listener in order to be complete.

MN : I wouldn’t say that it ‘requires’ it. It’s simply like any other thing in this world, a person can utilize things passively or they can utilize them actively.

15.)
F : Yes.

MN : I don’t require anything from anybody, but if a person wants to actively experience something, not only my music, it could be anybody’s music or artwork, it’s obvious to me that the more deeply they allow themselves to enter by listening, exploring a piece with different listening environments, creating special spaces for themselves to listen, special conditions, of course they’re going to get something more from it. But, if a person sits back and passively hears something they’re going to hear the lowest common denominator aspect of the work (something that ‘entertainment’ music caters to). Therefore their perception passively lets it go past them, and they will consider it as simply inconsequential noise – or sometimes irritating. But this has got more to do with their own states of mind and consciousness than it has to do with my music or anyone’s music [per se]. I feel like I try to create states that are receptive to whatever the person’s attitude is that comes to it. My music seems to reflect the state of mind of the person listening to it. This has been a fascinating observation over the last ten years of doing this music. People find what they want to find in it. It gives them a chance to step outside of themselves or inside. Sometimes people don’t like this predicament.

16.)
F : I’d like to shift to :coyot:, and to ask you some questions about it. Which situation does it have within your work ? How is it important for you, where did it come from?

MN : Well, :coyot: is based on an installation ‘Filtering the current’, that I presented in Finland, in the autumn of ’98. This project took place on Suomenlinna Island near Helsinki. My recordings were rich and complex harmonic aeolian sounds from the wind harps that where the principal feature of the installation plus other sounds from the coastline, around the island and from within a massive cannon barrel that was producing a great low frequency sound. A year after the installation and after settling in Oregon, I finally acquired all the components for a studio. I wanted to dive into a new solo project, with a limitation set being sounds only from this island. As I began to work, I realized I wanted to develop a piece that was poetically reflective of the internal dynamics of meteorological systems. I was remembering my experience on the island, listening to the constant patterns of the seven aeolian harps I had installed experiencing the realization of some massive meta-patterning to the flux of harmonics that were produced from the slicing of giant spiraling eddies of the wind coming off of the Gulf of Finland. I knew I didn’t want referential, direct representation of a this meteorological experience, nor of this location. I wanted to push it further to become more of an evolving piece closer to what I felt were essential dynamics of turbulence. And that’s not to say more pure, but something more poetically essential. During this piece I took a lot of inspiration from the works of Roland Kayn, and how his pieces evolve in almost an unconscious natural pattern like a leaf system, of patterns that your attention shifts between. These patterns are unfolding, again like an organism. With :coyot: I wanted to make a connection between these so-called inanimate meteorological circumstances of wind and to a living system. This is something that I have been returning to lately. While constructing :coyot: I began using an intuitive system, not unlike the so-called ‘cybernetic systems’ of Roland Kayn, but with a visceral and mechanical correspondence not automated. Layers upon layers, each layer echoing a part from the other, and having it shift in reflection with the other. Listening over and over again, changing, and adjusting until I really felt like every component was turning and churning on its own accord. Without necessarily the idea of my compositional gestures being an important issue. I wanted to get really as far away from that as possible. So certain elements came and rose and appeared in a way that I felt was really just a natural reaction to the sound. The material itself was slowly teaching me what to do with it. I had a lot of interesting contact with Giancarlo Toniutti during this time of composing, especially concerning the idea of subtle perception of internal, morphological components and how they relate with each other. I feel that I was wanting to approach a deeper level of perception within the work itself. So it became something very messy in a way at first. I was making many series of rough mixes, and throwing out a lot of them. Slowly, from the rough mixes, putting these mixes together, and creating more refined mixes and then, finally certain crystallizations of structure appeared. I framed and strung these together. It appeared to grow slowly like a plant. Then, finally, it got to the point where I felt like it was living on its own accord.

17.)
F : Which difference would you make between :coyot: and ‘Breathing Towers’ for example.

MN : The difference between a studio piece and a field-recording.

18.)
F : Yeah!

MN : Well, studio pieces are to me more like paintings. where I’m trying to work on the content of the painting until I feel like it on its own is living in its form, whereas something like ‘Breathing Towers’ is more like my photography, where I’m capturing some phenomena, as I experienced it at that moment. And I’m experimenting to see if it translates into sound or more perhaps a ‘ready-made’ composition. Because I feel, just like photography, simply the capturing of some sound phenomena and presenting it – often one forgets that the process of recording and presenting it through somebody’s speaker totally alters the piece itself! So does the framing and printing of the image. With that in mind, ‘Breathing Towers’, went through a lot of listening to it, considering if it was worthwhile to be by itself. After some debate, I felt that that was fine by itself, because the phenomena expresses itself through different playback devices in a fascinating ways. With this piece, it had its own internal dynamics, and I felt like that it expressed itself well. I simply framed it and let it be.

19.)
F : Didn’t you have this temptation with the material you gathered on this Suomenlinna Island in Finland, to leave the material to itself and, let it express itself simply.

MN : I have the feeling that something might happen in that way in the future, but the space and my experience at that place and some poetical realizations of the elemental phenomena of air lead me to the studio. The process of ‘creating’ :coyot: was an important and logical consequence carried beyond the act of being there and making the installation itself. The process of creating things, for me is not necessarily again with a theoretical basis. As projects present themselves to me I sense what is important to be done, and why I get myself into the process of creating a piece. Projects feel as if they just come through me and so :coyot: was that simply, a realized process of reflecting on a particular time-period of a recording. Additionally the consideration of some important changes of my life during this time-period. I consider if a sound work is to be done it must an important process, for me to undertake it fully.

20.)
F : Return again to this idea of eidetic space, what do you mean?

MN : Eidetic space. is another ‘conceptual beacon’ perhaps springing from these childhood environmental perceptions. One thing that I found interesting about music in general is what does a music do to a person’s internal perception. This is why I have felt close always to Francisco Lopez’s ideas of acousmatic music. For example his use of complete darkness during his performances, or blindfolded performances, because that immediately turns on a person’s. inner awareness and starts creating all sorts of internal perceptions about the sound material. And I find that this is something that is both difficult to talk about, but at the same time rather integral to me. I find it as one of the most important aspects of this type of experimental music, that is, how sound affects a person’s internal space. So the experiencing of eidetic space, or the articulate perception of a person’s internal world, is something that I’m interested in triggering. My use of continuous, dense harmonic or textured sounds has for many millennia been in many cultures used as a tool for initiating an internal unfolding of consciousness. So, in my way, I create these currents because it facilitates this internal process, but I am also committed to embed within a myriad of details and movement so that the masses of sound to give rise to an exceedingly intricate tapestry – giving gifts to the careful and open listener. I find music that doesn’t work with these currents, that works maybe in contrast to them. For example what I think of as ‘intellectual music’ being music operating around a person’s abstract conception of space and time and reality, and how it should or shouldn’t unfold. Becomes more about psychological games of hierarchical systems of perception, often times becoming an esoteric intellectual sport. Sometimes I find music like that very tedious, because it operates so much on the composer’s premeditated presentation of their particular intellectual capability, the superficial form of their personal musical language, and I find that particularly ‘ego-centric’ and uninteresting. I however tend to move more and more towards this music that operates in a way that points away from the creator towards something not fashioned with cultured skill but perhaps that that seems to come from something in touch with an open dialogue with greater mysteries. A humbled music that devours the particulars of the artist who is creating it. This is something that I find people have a hard time being honest about and is often criticized with empty sarcasm.

Understanding a little of how the experience of eidetic space is embedded in my music has shaped the way I work to become sympathetic to ‘meteorologic/geographic-molecular/cellular’ forms. Opening an internal ear for creating a space to conduit, not emotional human feelings, but to an experiential appreciation of macro and micro forms both organic and inorganic. Internal perceptions of moving energistically through cellular forms, through solid materials, or through geography, or through geologic time. And certainly not in a generic ‘space music’ sense, but actually trying to approach an artistic articulation of our contemporary capability to conceive of these great and small places. We’re seemingly capable enough to do this in scientific terms. History tells us that when art and science were closer this was not unusual for humans to make these associations. Modern art has approached these concepts in various forms, but the current religious role of science in our societies have almost turned poetical associations in to a form of sacrilegious act. I think sound has an incredible and obvious potential as its essence is based in vibrational forms. Which, as we know, is the medium in which we experience the universe. In fact it is one of the clearest analogies creating a pathway of understanding to our own consciousness. This is why I choose specifically to stay away from human musical structures, because they seem to adhere the sound to a referential anchor. I want to keep looking for forms that arise from non-referential material as these embrace what ‘civilized’ humanity often discards as inconsequential. But of course, I admit that music in many forms, representational and not, lends it self to a myriad of wonderful explorations in perceptual awareness. I have simply been brought to my way from the circumstances of my life, but I am an avid listener of many other forms of music.

21.)
F : What is importance of Europe and your having come to Europe many times?

MN : Well my aesthetic start with sound really, as far as actually recording my own projects, started when I was traveling and living in Europe, in 1991-92. I had experimented a lot on my own in the United States, but as far as getting a coherent idea of what I was doing, and working with other artists has always started in Europe. I find that there seems to be a level of artistic intention that can be seriously articulated with people I meet in Europe that is much more rare to find in the United States. And so, since 1991, nearly 30% of my life has been in Europe. I find that my traveling, approximately every two years, spending between 2 and a half to 6 months at a time has been an important pathway of development of ideas and confidence in connection to my sound work. I find that I am becoming a hybrid – influenced by both the raw landscape and natural world of North America and the cultural and intellectual climate of Europe. The cycle has also been a source of stress for me as each trip has been accompanied by a process of moving, extracting and massively changing my life in the US to the point that I hardly feel at home when I am ‘at home’. Nearly every trip I have returned to the US with nearly nothing, having to start once again to find work and reconnect myself, as well dealing with a sudden shift from being somewhere where I am constantly meeting people involved a focused interested in thinking about sound as art – to all together different communities in the US that are struggling more with the social conditions of surviving as artists in a culture that does not support us. My confidence seems to become jarred in the current American culture and I seem to go into hibernation there. Symbolically each trip to Europe challenges me to re-assert myself and my path as an artist. Though this cycle of bouncing between Europe and the US has been rather important for my development, I find that I need to begin to strategically locate myself more permanently somewhere so that I can allow some stabilization to ground myself and thereby move my work into another level. The question is where – US or Europe? I am beginning to think that a longer stay and an extended artistic project in Europe would be important for me, but there remains the question of where and how.

22.)
F: “The stomach of the sky” and “The absurd evidence”, both released under the duet name mnortham and jgrzinich. What were you attempting to do at that time?

MN : I find that this phase of working was marked by desire of mutual support. During the time of developing the recordings for ‘the stomach of the sky’ I was alone and in Seattle. But I found support from John Grzinich when I returned to Austin and we prepared for a journey together to Europe. During this time in Europe there was an opportunity to finish ‘the stomach of the sky’ in Koblenz at Bernhard Gunter’s studio, so we took this chance and completed the work with our recordings from that trip. Later John had been working alone at my house in Austin with my studio. This material became the bulk of ‘The absurd evidence’ except for one element that was from my work. We both learned, I think, that composing is a solitary task. That really only one person can be intimately aware of what is happening over the course of developing and finishing a piece, but we were at that time open to the idea of sharing the final result. Though after the second work we knew that it was best to work alone in the future. I found then that I was on a path that needed to focus directly on notions of intuitive composing to refine and develop my sometimes eccentric ideas without the interruption of having to explain reasons to someone else. Often there are process during creation that operate on a non-rational basis, the development and fostering of these motives helps an individual artist find the qualities of their own voice. By diplomatically rationalizing choices a work and one’s development can be severely compromised. I think after this point of ending this collaboration with John I began to embrace more closely my own methods, going further in a way that might have been halted prematurely before. I feel that this process is one of maturity of personal vision, an all together normal process.

23.)
F : How do you view other collaborations within the context of your work?

MN : Collaborations have in general been important as I have always been interested in opening dialog with other artists. For me it is a living school. Glimpsing into the foundations of each others thought patterns, seeing what can come from it. In the beginning of my working with sound it was necessary for me to work collaboratively. as I had no studio. When I was traveling in Europe, people like Martin Franklin of Tuu or Rudolph Eb.er from Shlimpfluch, Guido Hubner of Das Synthetische Mischgewebe, also Marc Behrens and C.O. Caspar – these different artists early on allowed me to work with them or even let me use their studios. So, therefore, it was at the beginning, somewhat always of a collaboration in different environments. Later on, then my experience with John Grzinich developed more of a shared ‘heuristic dialogue’. We were learning our own musical language, our own sound language, our own creative desires, making foundations for intention. We were learning that at the same time as we were collaborating. Playing with notions of a ‘band project’ (ERG) and something like an organization (Orogenetics) – these both included as well Seth Nehil and Josh Ronsen. We perhaps, at this beginning phase, needed mutual support. As we developed, I began to see that we needed to find our own ways of working first. I can observe as well, that this is a difference with working with artists in Europe and artists in the US. It perhaps reveals a different approach to artistic confidence and the security of one’s individual perspective. After an end to this period with John, I soon met and worked a little Slavek Kwi and Michael Prime, and entered into written dialogue with Giancarlo Toniutti. I realized that there are forms of collaboration that can be approached more directly through sympathy and via opening wider the channels of communication. This I feel is absolutely necessary, if a collaboration should be meaningful, that both parties must be interested in augmenting each other’s activities. There must be some form of transparency and mutual respect that is focused on embracing the qualities of the other that you see clearly as a compliment. As well with my unexpected sessions with Colin Potter and Darren Tate of ORA resulting in the ‘amalgam’ LP, I saw that the work was a meeting between artists that seem to want specifically an influence of other elements into their own work. I saw this as a rediscovery of meaningful collaboration formed not from circumstance but something more oriented around a process of appreciating each other’s way of working directly. And wanting new types of influence, and seeking them out specifically.

24.)
F : Can you explain how you present your work in a live context?

MN : Well the live work has always been strange, because it is for me always a compromise from the work I do in a studio. As well, I tend to do more performances when I am traveling in Europe then in the United States. There seems to be a viscous switch between studio time and preparation for a live piece. Some of the processes developed during the studio work do, however, flow nicely into developing a live piece, but I think that I feel I am radically altering my approach. I am not happy with doing straight mixes from pre-recorded material like some do. So I try to develop small sound devices that can generate different elements to mix within a substrate of recorded material. Therefore these performances become something between improvised music and tape music. The form is based on creating dense harmonic atmospheres, shifting the internal dynamics of these harmonics and improvising with acoustic and amplified materials to compliment the sound field. I have noticed recently that the live work becomes a type of articulation and flux of energy patterns, dependent in part on the place that I’m in. The piece becomes a transparent reflection of the energy of the surrounding atmosphere. This was noted to me by a friend in Oregon that witnessed a performance and remarked that the feeling was akin to the ‘holding of space’ necessary to their work as a teacher of yoga. I see a relation to this as well to my earlier experiments with actionistic performance, when I would supply myself with different raw materials and substances and begin moving through an area, shifting, changing these substances in relation to my body and the space, over the course of sometimes many hours – where the most important element was to maintain a hold on the overall atmosphere of the place. The difference now with a live performance, in the context of a concert, is that I am manipulating the vibrational energies that are produced from certain objects, sound devices, and recordings must work as a total entity. I have developed an approach to live processing and mixing that acts as momentary translator of the energy within the environment. So, when I find myself in bars filled with superficial and inattentive people my work becomes more confrontational. Whereas when an audience is receptive, then the live work becomes more subtle and richer in form. I am beginning now to become a bit more picky to the events that are organized and want to avoid the more confrontational scenarios, as I feel these dynamics contort my work in an uncomfortable way. In receptive environments, people have expressed to me that they experience the work as a conduit of fragile energy through the space.

As well with group performances there are much wider dynamics that I become open to. John, myself and sometimes others would play together as the project ERG and in other group experiments. Here I find that the crucial exercise is to listen and forget yourself. Thinking more of each one’s role as something of a single element in a forest of sound – responding to the elements without thought to ‘individual played form’ but to more an energistic condition. One interesting document from these experiments has appeared in the form of a Alial Straa Cdr entitled ‘tunnel/stairwell’. With the ERG performances we often worked with pre-recorded skeletons that would help us work through different fields within which we would explore. But these projects ended with my parting from Austin and closing the period of collaboration with John.
Recently I have had the opportunity do some live duets in London with Michael Prime, a session with one formation of Morphogensis, and a trio in Dublin with Michael Prime and Fergus Kelly. These were all beautiful processes of fragile listening sessions where we all had individually our own mixing set-up and operated at a distance physically (something not done before with ERG where we were often attached to the same mixer). I think that’s very important while playing with other people in this kind of music – exploring sound as energy with each individual with working separate systems but connected by concentration to the whole. I am interested in the future to conduct and compose for larger ensembles of people working with both acoustic materials and electronic processes to create works that are not simply improvised pieces but orchestrations on a more massive scale of development and unfolding. This simply seems impossible with the limited means at the moment, but perhaps someday. In Oregon, there has been some group sound improvisations with up to even 8 or 9 people changing locations within a room backed by subtle processing and resulting in some nice undulations of events. These have proven to be some interesting exercises of listening as well.

25.)
F: I would like you to explain why RenŽ Daumal is so precious to you, and if you see a link between his writings or ideas and your musical or pictorial work? Are there other literary or artistic figures that have an important role, thematically, technically, etc., in what you’re attempting to do?

MN : I discovered RenŽ Daumal from a friend who pointed out a reference to his writing on a GhŽdalia Tazarts record ‘Check Point Charlie’. I read first his ‘Night of Serious Drinking’ in one go during a journey through small canyons in a park one day in Austin, Texas. I greatly enjoy his sharp exploration of assumptions exposing hidden dogmas in a constant struggle to ‘remain awake’. His writings also present an excellent example of a particular awareness of the importance of paying attention and exploring deeply one’s internal ‘eidetic space’. As his thoughts developed in his writing from his youthful group ‘le grand jeu’ through later into his independent studies of Sanskrit and eastern aesthetics, I feel a sympathetic parallel to an attraction to traditions of further depth in thinking free from the ever oppressive fragmentation of subjectivist positivism. This is a difficult topic for me to explain as I am not fully skilled as a writer, but I find empathy in Daumal’s later development towards expanding thought, by more comprehensively weaving in an experiential meaning without the quasi-rational filters of our western gluttonous pursuit of arbitrary subjective pride in some personal identity. Therefore I find many parallels to his pursuit in literature to my interest in sound – though I the latter is much more un-graspable with the mind. In Daumal’s book Rasa he spends a lot of time talking about the aesthetics of art (specifically dance and music) in India. And although, unfortunately, Indian art seems to have been relegated into a recognizable form by the western mind by now, at the time of Daumal’s writing it was still a challenging form for Europeans. Daumal was in part responsible bringing the first tours of Uday Shankar’s dance company and musicians through Europe and the US. In Rasa he reports and comments on what he overhears at a performance in France, “I was unable to stop my ears with enough alacrity to avoid hearing a few words with which the arthritic bourgeoisie publicly cleared its throat (an assuredly learned view): “The music of these people babbles, like their philosophy, always the same measure or the same proportion, for hours or for centuries, all the same monotone.” I agree, Madame, it’s always the same object that compels that resonant music and philosophy: open your eyes before that which you actually are. Have you seen only a desert of boredom? Whose fault is this?” In general RenŽ Daumal has been a writer that for me has put notions into words that continue to inspire me to become bolder with my steps towards actualizing my own creative work. Of course there are other sources of literary and artistic inspiration as well, such as Max Ernst, Alejandro Jodorowki, Lama Anagarika Govinda, a variety of Tibetan texts, W.Y. Evens Wentz and always I am discovering more.

26.)
F: And, finally, a question that can be asked in any interview and is still interesting to ask: what are your current projects and activities?

MN : Currently I have begun work on a piece inspired by ancient Irish mythology. I am finding some energistic links between their thoughts and Tibetan and American Indian cosmologies. Roughly the idea has been centered around my current conceptual beacon ‘SIDH’ which is a Gaelic word meaning the ‘dwelling of the otherworld’. I am interested in this topic not specifically for the overt ‘metaphysical’ implications but because I am pursing a poetical understanding of how human perception interfaces with eternal phenomena. It is perhaps about struggles to make sense of the ‘absurd’ through creative means of looking into the cycles of coming into being and exiting. Of the ultimately experiential Other. As well exploring the borderlands of perception where one can not be completely aware, where one questions illusions of absolute awareness.
For this project I am working with sounds that I have gathered around the western coast of Ireland (in the Burren and areas around Galway, Doolin and Kilarney). Using systems based on my idea of ‘molecular music’, including an extraction elements of my own overtone singing inside of dolmens.
There is some chance that I will be returning to Europe. I will begin preparations for this possiblity. In the mean time I stay in Portland, Oregon helping other friends realize sound projects, enjoying the forests, and contemplating the next steps, while trying to stay above the poverty line…